Histoire locale de Nauroy durant la Grande Guerre

Nauroy, petit village agricole de 120 habitants en 1911, situé au pied du Mont Cornillet et du Mont Blond, coteaux crayeux de la plaine de Champagne à 17 km de Reims.
Les habitants sont en majorité cultivateurs et engraissent des moutons et des veaux.
La guerre 14-18 oblige la population à fuir le village le 2 septembre 1914.
Les troupes allemandes occupent le village (non loin des lignes de front) qui sert de base de repos et de repli à partir du 3 septembre 1914.
Les Monts de Champagne constituent un point d'observation stratégique pour l'armée allemande qui va organiser chaque sommet, chaque pente pour sa défense.
Les souterrains de refuge de Nauroy (situés au nord de l'église, prolongés sous l'église, sous le cimetière et sous plusieurs habitations) et les catacombes (anciennes carrières de craie) qui ont servi lors des différents conflits, invasions et guerres de religion pour cacher la population, sont utilisés et aménagés en tunnels imprenables : en particulier le tunnel du Mont Cornillet.
Madame Griselda Chamelot-Le Roux témoigne de la vie des quelques civils restés à Nauroy pour protéger leurs biens :
«
Quand les Allemands arrivent, ma mère, ma grand-mère et toute la famille vivaient dans la ferme. Les Allemands occupent la maison et réunissent tous les hommes valides restés dans le village. Ils emmènent mon grand-père comme prisonnier civil en Allemagne pendant 4 ans jusqu'en 1918.
Mon arrière grand-père, ma mère et ma grand-mère travaillent aux champs, gardés par les Allemands armés de mitrailleuses. Les Allemands logent dans une chambre de la maison. Une cantinière prépare les repas dans la cuisine de la maison. Cela dure plusieurs mois jusqu'au recul de l'armée allemande qui emmène la population à Poix-Terron dans les Ardennes jusqu'à la fin de la guerre en 1918.
Après l'armistice du 11novembre 1918, des habitants de Nauroy veulent retravailler leurs terres avec les dommages de guerre, certains reprennent des fermes à Beine, mais mon grand-père traumatisé par sa détention en Allemagne et découragé par l'ampleur des destructions, ne veut pas revenir à Nauroy, il travaille d'abord dans les environs de Reims dans une ferme puis ensuite il reprend à Reims une succursale des Comptoirs Français.
Le front étant très proche, ma mère âgée de 9 ans reste traumatisée par les hurlements des soldats qu'on entend de la ferme, des blessés entassés dans la cour. Les soldats sont drogués à l'éther pour avoir de l'entrain pour aller au combat car souvent ils se battent à l'arme blanche. Elle n'en reparle presque jamais mais ces souvenirs reviennent dans ses rêves »
Au mois de septembre 1919, à la réunion à la sous-préfecture d'Epernay, 2 propositions sont soumises au choix des maires :
- soit abandonner leur commune alors déclarée « zone rouge »
- soit tenter d'y redonner vie.
Le maire de Nauroy, Monsieur Chamelot-Machet, ayant souffert de cette guerre en perdant plusieurs des siens décide de ne pas revenir dans ce village tellement détruit, bouleversé par les obus, crevé de milliers d'entonnoirs. La terre y était déjà si dure à travailler.
Le 14 juin 1950, Nauroy déclaré « zone rouge », son nom et son territoire sont rattachés au village de Beine qui devient Beine-Nauroy.